samedi 28 décembre 2019

Teixcalaan, book 1: A Memory Called Empire de Arkady Martine

Tor Books, 464 pages, 2019, Science-fiction


Une belle découverte !

Dans ce space opera politique, nous suivons une jeune ambassadrice, Mahit. Celle ci est la représentante d'une toute petite nation de stations spatiales minières sur la frange de la zone conquise par les "humains" (enfin, humain est un grand mot, certaines autres nations les considèrent plus comme des Aliens tellement ils se sont différentiés après des milliers d'années séparés les uns des autres).

Au cœur du territoire humain, un empire gigantesque qui a phagocyté quasiment tout le reste, sauf l'insignifiant, le Teixcalaan. C'est dans cet empire que Mahit se retrouve ambassadrice de sa nation.

Le peuple de Mahit a une technologie secrète, la mémoire Imago. Une sorte de mémoire collective qui passe de génération en génération. Chacun génération ajoutant ses propres connaissances et fusionnant avec l'arrivant le plus récent en formant des lignées très précieuses.

Seulement voila, l'ancien ambassadeur est mort, surement assassiné, Et bien sur personne n'a pu récupérer son Imago pour le donner à Mahit. On lui a donné l'imago de son prédécesseur jeune, celle qu'il a enregistré quand il était revenu à la station après 5 ans de travail et qu'on avait sauvegardé sa mémoire au cas ou. Elle se retrouve donc avec 15 ans de retard sur les informations qu'elle devrait connaitre.

En plus de ça elle n'a eu que 3 mois pour s’accommoder de la mémoire qu'elle a reçu, alors qu'il faut en général un an pour que les deux personnalités finissent par fusionner et avoir accès au contenu de l'imago dans sa totalité (ne plus avoir l'impression d'avoir un étranger dans sa tête qui la contredit tout le temps).
Pire encore, quand elle se trouve en présence du corps de son prédécesseur pour commencer son enquête, la personnalité de son imago pète un câble et disparaît comme sous le choc, ne la laissant qu'avec une espèce de mémoire fantôme qui réapparaît à certains moments sous formes d'impressions vagues, sans qu'elle puisse rien faire pour l'en empêcher et ne lui apporte plus aucune information utile.

Elle se retrouve bien vite en plein dans un grand complot dont elle est au centre, sans comprendre ce qu'il se passe vraiment et quelles catastrophes elle est en train de faire par son ignorance ...

Mahit est une jeune très enthousiaste, elle a toujours été fascinée par le Teixcalaan et sa culture. Du coup elle peut paraître un chouilla naïve certaines fois de par ses réactions qui vont limite à l'encontre de ce pourquoi elle est la (protéger ses stations et les empêcher d'être bouffées par l'empire).
Mais elle n'est pas bête pour autant, elle joue seulement le jeu de l'ingénue la plupart du temps.
Elle est totalement seule dans la Cité, la capitale du Teixcalaan. Qui croire? Quelles sont les personnes qui ont le même intérêt qu'elle dans le jeu qui se joue?

Tout est très subtil dans ce peuple amateur de poèmes et de sous entendus, et des fois une phrase dite trop vite peut tout faire échouer.

Les façons de faire des Teixcalaan sont à peu près aussi Alien que celle de l'empire de Dune de ce qu'on peu connaitre. Par exemple un détail qui m'a marqué : ils sourient avec leurs yeux et pas avec leur bouche (plus ils ouvrent les yeux, plus ils sourient).
 
La cour de l'Empereur est très grandiloquente avec ses concours de poésie politique ou c'est celui qui a le plus de sous entendus qui vont du coté de la politique du moment qui gagne, et ses costumes très colorés. D'ailleurs dans tout le livre la place de la poésie est très importante et pourra rebuter certains j'imagine.

Autre point important dans l'intrigue : Empire a des problèmes de successions. L'empereur est très vieux, et les trois héritiers choisis l'ont été politiquement pour satisfaire différentes factions qui elles mêmes ne s'entendent pas. Un quatrième aussi, très ambitieux aimerais bien mettre la main sur le pactole, quitte à déclencher une guerre.
En gros la situation n'est pas du tout calme et il faut marcher sur des œufs.

Mahit va devoir naviguer à vue pour essayer de découvrir ce qu'il se passe vraiment et dans quelles problèmes c'est bien fourré son prédécesseur.

Le "Memory" du titre fait bien entendu référence à l'Imago secret du peuple de Mahit dont certaines personnes ont découvert l’existence et aimeraient bien récupérer ...

Ce premier tome peut limite se lire comme un oneshot, même si certains détails semble nous faire croire qu'il y avait plus derrière tout ce qui a été découvert et donc on pourra bien sur continuer l'ensemble dans les tomes suivants.

Il y a plein de détails que j'ai trouvé charmants dans ce livre comme par exemple le fait qu'au début de chaque chapitre il y a des extraits de documents en rapport plus ou moins lointain avec le livre (des fois c'est juste des extraits d’œuvre dont les personnages parlent par exemple, d'autres fois des lettres importantes, etc ...)

Il y en a un que j'ai bien aimé parce qu'il est vraiment dans le ton de la série :
I carry exile in my heart. It animates my poetry and my politics; I will never be free of it, having lived outside of Teixcalaan for so long. I will always be measuring the distance between myself and a person who remained in the heart of the world; between the person I would have been had I stayed and the person I have become under the pressure of the frontier. When the Seventeenth Legion came through the jumpgate in bright star-snatching ships and filled up the Ebrekti sky with the shapes of my home, I was at first afraid. A profound discontinuity. To know fear in the shape of one’s own face.

—from Dispatches from the Numinous Frontier, Eleven Lathe

Autre anecdote marrante dans le livre c'est les noms des Teixcalaanlitzlim (les citoyens de l'empire). Ils sont composés d'un nombre qui a une symbolique et ensuite d'un nom d'objet ou de concept.
Du genre l'empereur est "Six Direction", l'aide de Mahit s'appelle "Three Seagrass" ... Il y a des nom qui claquent du genre "One Lightning" (le grand général de l'armée) ou "Ten pearl" (l'ingénieur en chef de la ville) mais on trouve aussi des trucs du genre "Thirty-Six All-Terrain Tundra Vehicle" ...

Bref, mine de rien ça m'a fait apprendre pas mal de vocabulaire (Nineteen Adze : 19 herminette - je ne savais même pas ce que c'était en français).

Bref, au final cette série plaira peut être moins aux personnes qui sont réfractaires à la poésie et aux subtilités de ce genre. Un peu comme This Is How You Lose the Time War, mais en bien moins marqué. Je pense qu'il faut un minimum de sensibilité au coté littéraire pour apprécier pleinement ce texte (même si le style en lui même n'est pas aussi abusé que dans l’œuvre que j'ai cité avant).

Mais j'avoue que si sur le papier je ne me mettrais pas forcement dans ce type de personnes, ici ça a réussi à me toucher. 

J'en ressort vraiment positive, j'ai apprécié cette lecture et je lirais la suite avec plaisir.

16.5/20

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