mercredi 25 septembre 2019

Rien ne nous survivra : Le pire est avenir de Maïa Mazaurette

Mnémos, 269 pages, 2009, science-fiction


Nous sommes dans le futur mais pas très loin, le futur proche.
Un jour les jeunes en ont eu marre de se faire marcher dessus, d'être toujours ceux qu'on embobine, ceux qui se font laver le cerveau par la société de consommation. Plus d'avenir, que des contraintes, gâcher ses meilleures années de vie pour payer la retraite d'adultes qui vivent de plus en plus vieux, plus d'avenir ...

Alors ils se sont révoltés et ils se sont surtout fait embrigadé. La première étape : tuer ses parents. Ce crime originel ne pouvant pas se pardonner il faut continuer, se débarrasser du plus de vieux possible. En bande, en solitaire, peu importante tant qu'on est productif pour la cause. La liberté ça se paye et ils ne lâchent rien.

Quand le livre commence la guérilla se poursuit depuis 2 ans, les jeunes tiennent la rive gauche de Paris, alors que les vieux sont retranchés dans la rive droite. L’île de la cité a été quasiment rasée et est témoin de la plupart des combats.

Du coté des jeunes plus de nom et de prénoms, les pseudos choisis eux même sont de mise, plus de genres, de modes, de musique, de livres, de culture, plus rien qui pourraient les rattacher à l'ancienne société. Ils rejettent tout. Ils vendent les musés à des trafiquants d’Europe de l'est pour acheter leurs armes et munitions ainsi qu'un peu de nourriture.

Les élites de cette nouvelle société qui veut tout changer sont les snipers. Bien cachés sur les toits ils éliminent tout les vieux qui osent sortir de chez eux.
Nous assistons à l'opposition entre deux d'entre eux.

Silence était la à l'origine, il a vécu les premiers meurtres, les premières batailles. Il connait les dessous de cette révolte.  Intrépide et sans peur, bien organisé et bien nourri comparé à la masses des jeunes affamés qui parcourent les rue, il est LA Star. Sans pitié il n'hésite pas à tuer tout ceux qui se mettent sur son chemin ou qui s'attribuent ses victimes au tableau des scores qui a été affiché.

L'immortel lui est arrivé bien après. Silence était son idole jusqu'à ce qu'il se retrouve au cœur d'une de ses vengeances et que celui ci assassine sa copine.  Depuis il le traque, remontant sa trace petit à petit.

C'est un roman d'anticipation très brut, dérangeant, intense et assez difficile au niveau de ses thèmes : les luttes intergénérationnelles.

C'est aussi du coup un livre qui sera surement très clivant.

J'avoue qu'au début j'avais des doutes, ça me semblait trop gros pour être réaliste cette révolution, trop extrême en fait. La suspension d'incrédulité ne fonctionnait pas.
Du coup je n'arrivais pas à entrer dans l'histoire.

Mais finalement, petit à petit ça c'est fait. L'ambiance y a beaucoup fait je pense. C'est une ambiance qui tient aux tripes. C'est vrai que certains détails restent peu vraisemblable de nos jours, que les "vieux" semblent manquer de CRS, de protection ou de puissance de feu pour réagir comme on le voit maintenant sur les gilets jaunes. Mais finalement ça passe quand même bien sur le long terme si on met ça de coté.

Finalement je dirais que malgré le fait qu'il date un peu, il reste très actuel dans ses thèmes, dans les revendications des jeunes. Surtout si on prend les gilets jaunes actuels, et les mouvements comme le #me too qui sont exactement le genre de revendications des jeunes du livre.

Il se compose de 3 types de chapitres : les chapitres Silence, les chapitres Immortel, et les chapitres Théorie qui servent nous montrent les idées de propagande qui ont fait se lancer et se poursuivre le mouvement.


15.5/20

C'est un livre ou limite dans chaque chapitres on pourrait sortir plein de citations.

Extrait 1 :
Ceux-là sont les pires, le ventre mou et sympathique de l’ennemi. Je leur reproche, individuellement, de n’avoir même pas été conscients du mal infligé. Les excuses séculaires se recoupent toujours : ils ne savaient pas que les Noirs avaient une âme, ils ne savaient pas que les femmes avaient des droits... la souffrance par habitude et par ignorance, dénuée de sens général mais pas de sens pratique. Le pognon anthropophage cherche toujours de nouvelles proies mais, qui sait ? peut-être que ces trois vieux votaient communiste.

Face à l’ennemi de bonne foi, le doute s’installe.

J’aurais préféré affronter des adversaires organisés comme l’étaient, par exemple, les capitalistes. J’aurais préféré tuer des méchants accomplis, savoir démêler le bien et le mal. Ç’aurait été si confortable qu’aucun vieux ne prenne jamais notre défense.

Extrait 2 :
Paris me plaît, chaque jour différente, un peu plus sauvage et réduite. Des espaces verts recouvrent chaque interstice entre les immeubles. Le lierre escalade certaines façades. Je crois que ça fait du bien à tout le monde de vivre ensemble. Les troupes se sentent en sécurité, plus personne ne dort dans des voitures.
Extrait 3 :
Seuls sept pour cent de la population carcérale dépassent les 50 ans. Comment croire en la justice ? Comment ne pas vouloir nous aider nous-mêmes ? Qui mettra fin à la délinquance semi-légale et socialement dommageable des vieux ?
Qui fait le plus de mal : celui qui vole un téléphone portable à 100 euros, ou celui qui licencie à 1000 euros par mois ?

Nous refusons les solutions classiques. Le travail ne nous intègre pas, nous sommes fatigués des stages, épuisés d’être enterrés vivants. Nous réfutons le mythe démocratique. Le droit de vote sera toujours moins efficace qu’une honnête balle dans la tête.

Il faudra nous suivre ou nous combattre. Mais jamais plus nous ignorer.
 Extrait 4 :
Je me souviens que les vieux célébraient la Seconde Guerre mondiale plusieurs fois par an, avec une fébrilité qui tenait du délire absolu. Drapeaux, défilés, fanfares, visages soigneusement composés pour l’occasion, et cette manie du discours. Les écoles envoyaient d’innocents gamins subir la mémoire des autres. Les anciens combattants n’avaient pas peur qu’on oublie l’horreur de la guerre : ils avaient peur qu’on les oublie, eux. Un martyr-business alimenté par l’incapacité de passer le relais, par l’égoïsme primaire des rentiers de la douleur.

Devoir de mémoire ? Quelle connerie. Si même les vieux ne savent pas que le temps passe, qui d’autre ? Et jusqu’où ? Va-t-on fêter toutes les guerres, se souvenir de chaque général sanguinaire ?

Mieux vaut profaner, c’est plus gai. Que le marbre vole en éclats. Que les crics détruisent ces monuments aux morts, qu’on insulte la mémoire. On a tellement parlé de satanisme, à l’époque. Ils ne pouvaient pas soupçonner qu’on puisse haïr les morts, tout simplement.

Mémoire sacralisée, mémoire sous formol, mémoire stérile.

Oublier permet aussi d’avancer. Nous voudrions être une génération qui ne générera rien. Sans musée.

D'autres avis sur ce livre : Shaya

J'ai lu ce livre dans le cadre du Challenge Livra'deux pour pal'Addict *24*
Il m'a été proposé par mon binôme Melody Pond


4 commentaires:

  1. Je n'avais jamais entendu parler de ce livre, je sens que c'est à lire. Merci pour la découverte !

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    1. Il n'est pas très récent donc il a été un peu oublié mais ça peut être une bonne lecture en effet :)

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  2. J'adore ce qu'a écrit Maia Mazaurette XD Et c'est tellement ça pour les citations !

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